Comment bien militer?
Publié le 10 Décembre 2015
Source: Le Cinéma est Politique
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On le savait déjà, le monde est injuste. Mais là, c'est devenu vraiment insupportable, il faut agir. C'est même urgent, d'agir, parce que votre inaction TUE ou VA TUER plein de gens.
Que vous soyez victime d'injustices, ou que vous ayez décidé d'être l'alliéE de personnes victimes d'injustices, vous voulez désormais prendre position. Vous souhaitez désormais agir, faire bouger les choses, faire la différence.
PleinE de bonne volonté, vous voilà prêtE à ne surtout rien laisser passer. C'est souvent plus facile a dire qu'à faire… Comment « bien » agir ? Comment lutter pour votre cause, et pas contre elle ?
Voilà quelques conseils, qui, je l'espère, vous aideront à agir comme la bonne personne que vous êtes, dans le fond :
- Tout d'abord, ayez une très faible estime des personnes que vous prétendez libérer. Vous le savez, les gens, il faut toujours tout faire à leur place alors heureusement que vous êtes là pour agir. Parce que sinon, hein, on pourrait attendre longtemps. Dites haut et fort que les gens sont conNEs, que à la limite, illes sont juste assez intelligentEs que pour suivre le/la bonNE chefFE.
- Si vous êtes vous-même concernéEs par une injustice sociale, fliquez les autres membres des groupes auxquels vous appartenez. Passez votre temps à expliquer aux oppriméEs qui subissent les mêmes injustices que vous qu'illes devraient ressentir les mêmes émotions que vous. Faites le tri entre les « bonNEs » oppriméEs et les « mauvaiSEs » oppriméEs. Pour les reconnaître, facile : les premierÈREs sont d'accord avec vous, les secondEs, pas. Passez plus de temps à taper sur les autres oppriméEs que sur les oppresseurSEs : en effet, les oppriméEs qui ne sont pas d'accord avec vous sont PIRES que vos oppresseurSEs, puisque ce sont des TRAÎTRES.
- Si vous êtes oppriméEs, participez activement à la division de votre propre groupe. Expliquez aux oppresseurSEs qu'il y a les bonNEs oppriméEs, et puis les mauvaiSEs oppriméEs. Et qu'il faut qu'illes vous aident à taper sur les mauvaiSEs oppriméEs.
- Si vous êtes alliéE d'une cause dont vous n'êtes pas le/la premierÈREs concernéEs, faites preuve d'empathie à outrance. Ressentez dans votre corps et votre âme les injustices subies par les personnes que vous défendez. Surtout, n'essayez pas de rester calme lorsque quelqu'unE opprime le groupe que vous défendez, comme votre privilège vous permettrait pourtant de le faire ; au contraire, ne mettez aucune barrière à vos émotions. Lâchez-vous, faites vous plaisir. Ne démarrez aucune discussion constructive, tenez-vous en à un larmoyant « mais tu ne te rends pas compte, c'est HORRBLE de subir [telle injustice] !!! ». Vous non plus, en fait, vous ne pouvez pas vous rendre compte de ce que c'est de subir [telle injustice]. Mais vous avez lu plein de trucs sur le sujet, alors c'est presque comme si vous saviez.
- Prouvez que vous êtes unE bonNE alliéE en tapant sur les autres alliéEs, qui sont donc des mauvaiSEs alliéEs. Attaquez-les avec des mots qui s'appliquent à votre propre groupe social : traitez les autres hommes de connards de mecs, les autres blancHEs de sale blancHEs, les autres hétéros d'hétéros de merde, les autres riches de sales riches, etc. Surtout quand vous n'êtes pas sûrEs que c'est vrai, comme sur internet. Vous risquez bien sûr de vous tromper de cible, souvent, et d'insulter par erreur les personnes que vous prétendez défendre… mais c'est pas grave. UnE bonNE alliéE, ça s'énerve, ça s'insurge, ça s'offusque en permanence. Soyez conscientEs que les oppriméEs ont très peu le droit à la parole, profitez donc de votre privilège pour gueuler à leur place, et même plus fort qu'elleux. Indignez-vous plus fort qu'elleux, mettez-vous en colère plus fort qu'elleux, écrivez avec des majuscules plus grandes que leurs majuscules à elleux et insultez plus de gens qu'elleux.
- En fait, lorsque vous êtes alliéEs, oubliez que vous restez malgré tout, et malgré vous, des oppresseurSEs. Avant, vous ÉTIEZ des oppresseurSEs. Mais ça, c'était avant.
- Insistez sur le fait que votre cause est plus importante que les causes des autres, et du coup, plus urgente que celles les autres. Vous savez qu'il ne faut pas faire de hiérarchie entre les causes, qu'il y a plein de trucs importants pour plein de gens, mais dites quand même que il y en a pour qui il faut agir plus rapidement, super rapidement, en fait, il faut agir maintenant, là tout de suite, sans même prendre le temps de penser stratégie. On n'a plus le temps de penser stratégie, hey, c'est urgent.
- Passez plus de temps à vous demander si telLE ou telLE personne est légitime pour parler que de temps que vous ne passerez à écouter ce qu'ille dit. Ceci, afin de ne surtout pas avoir à réfléchir à ce que les autres racontent. Lorsque vous êtes oppriméE, décidez de quelLEs autres oppriméEs sont légitimes pour parler (en plus de vous). Lorsque vous êtes alliéEs, décidez de quelLEs oppriméEs et de quelLEs autres alliéEs sont légitimes pour parler (en plus de vous). Surtout, n'écoutez que celleux à qui vous avez décerné vous-même la médaille « légitimes pour parler », et lorsque les autres parlent, mettez vos doigts dans vos oreilles et chantez très fort.
- Entourez-vous uniquement de gens que vous avez jugé « légitimes ». En tant qu'alliéE, surtout, utilisez votre privilège uniquement pour parler avec les 1 % de gens qui partagent complètement et totalement vos opinions. Ne perdez pas votre temps à parler avec celleux qui ont un avis différent du vôtre… c'est uniquement en réduisant drastiquement le nombre de vos interlocuteurRICEs que vous parviendrez à faire changer l'opinion publique. Et puis, depuis quand ça sert à quelque chose de se confronter à d'autres opinions ? A se remettre en question ? Ridicule.
- Expliquez aux 99 % « d'illégitimes pour parler » qu'illes ne comprennent rien de ce que vous leur dites, et qu'illes ne pourront de toutes manières jamais rien comprendre. Rappelons-le, les gens sont conNEs. C'est seulement en vous répétant mentalement cette phrase lors de chaque interaction sociale que vous parviendrez à établir un dialogue.
- N'ayez aucune confiance en votre esprit critique. Réfléchir et vous forger votre propre opinion, c'est beaucoup trop compliqué, et pas assez rapide. Du coup, faites une liste de personnes ou de groupes de personnes selon « AmiEs/EnnemiEs », pour être sûrEs de ne jamais vous tromper. Il ne faudrait surtout pas risquer d'écouter qui que ce soit de manière objective. Lorsque des paroles proviennent de quelqu'unE ou d'un groupe de personnes « AmiEs », soyez d'accord, sans prendre la peine de vérifier leurs sources. Lorsque c'est unE ou plusieurs « EnnemiEs » qui parlent, contredisez-les par principe. Jugez leurs paroles par avance négativement. Si, par hasard, vous vous rendez compte que vous êtes d'accord avec elleux, ayez honte.
- N'ayez aucune confiance en votre ressenti. Du coup, pour être sûrE de ressentir les bonnes émotions aux bons moments, apprenez à réserver votre compassion, votre empathie, votre indulgence et votre générosité à vos « AmiEs ». Gardez votre colère, votre peur, votre méfiance et votre intransigeance pour vos « EnnemiEs ». Si vous n'y parvenez pas, ayez honte.
- Ne changez jamais d'avis. Si vous n'y parvenez pas, ayez honte, parce que changer d'avis, c'est la preuve que vous n'êtes pas crédible.
- N'ayez aucune confiance en votre capacité à prendre des décisions. Vous êtes comme touTEs les gens, finalement : vous êtes conNE. Alors choisissez vos chefFEs. Élisez mentalement vos prophètes, et laissez-les décider à votre place de votre comportement. Laissez-les vous dire ce qui est BIEN et ce qui est MAL. Établissez ensuite une liste « choses qui se font » et « choses qui ne se font pas » afin d'être sûrE que vous serez droitE dans vos bottes en toute circonstances.
- Choisissez des Super MéchantEs et des Super HéroÏNEs. Il faudra tuer les unEs pour que les autres puissent enfin prendre le pouvoir. Parce qu'une fois au pouvoir, les Super HéroÏNEs, illes dirigeront BIEN, illes seront JUSTES, contrairement aux Super MéchantEs qui sont au pouvoir pour le moment. Parce que la vie, c'est un peu comme dans Le Roi Lion. On attend juste que Simba revienne, tue le méchant Scar, et après, l'herbe va repousser, il y aura de nouveau de la nourriture, et toutE le monde sera heureuxSE à nouveau.
- Reprenez toujours votre interlocuteurICE sur la forme, pas sur le fond. Corrigez ses fautes de langue, envoyant ce message implicite : JE sais, tu es inculte. JE maîtrise le sujet. J'AI raison, tu as tort. Car rappelons-le, les gens sont justes assez intelligentEs que pour obéir au/à la bonNE dirigeantE – qui est peut-être vous, pourquoi pas.
- Utilisez un jargon spécifique à l'oppression contre laquelle vous vous battez, jargon incompréhensible pour 90 % de vos interlocuteurICEs. Surtout, ne vous fatiguez pas à expliquer les mots que vous utilisez, préférez plutôt envoyer votre interlocuteurRICE se renseigner toutE seulE, non mais ho. Vous êtes militantE, pas prof. Depuis quand les militantEs sont-illes censéEs apprendre quoi que ce soit aux autres ? Utilisez donc un vocabulaire spécifique, citez des bouquins que vous avez lu, des documentaires que vous avez vu, des diplômes que vous avez obtenu, mais surtout, ne partagez pas vos connaissances. Comme on vous l'a toujours dit : « faut pas copier sur son/sa voisinE ». Manquerait plus que vous aidiez ces sales tricheurSEs qui n'ont pas appris leur leçon à réussir leur année.
- N'attaquez jamais des idées, attaquez des gens. Ne vous mobilisez jamais pour vos idées, mobilisez-vous contre des gens. Du coup, lorsque des gens attaquent vos idées, partez du principe qu'illes vous attaquent vous, personnellement. Au lieu de débattre calmement, expliquez-leur vigoureusement que vous êtes plus légitime et plus crédible qu'elleux, que vous êtes une bonne personne qui ne fait que les « choses qui se font » et qui n'écoute que ses « AmiEs », et que vos « chefFEs » sont vachement plus cools que les leurs. Que du coup illes feraient mieux de la fermer et d'apprendre à reconnaître qui c'est, le/la boss.
- Cassez les autres avec le plus de classe possible, un peu comme Brice de Nice, mais en moins beauf. Dites des trucs sympas, comme « ce que tu dis est lamentable tant sur le fond que sur la forme », ou simplement « je n'ai jamais attendu d'unE [mot recherché et spirituel ridiculisant le groupe auquel appartient cetTE personne] qu'ille puisse saisir l'amplitude du problème ». Surtout, soyez inventifVEs, explorez toutes les possibilités qui s'offrent à vous pour humilier des gens, les faire craquer, les rouler dans la boue. Mais avec classe.
- N'hésitez pas à mentir et à exagérer. Soyez malhonnêtes, mais juste un peu. Et parce que c'est pour la bonne cause. Et parce que vous avez raison, de toutes manières, alors pas besoin de laisser à votre interlocuteurICE l'opportunité de réfléchir (si vous n'en êtes pas capable, ille n'en sera pas capable non plus).
- Rappelez-vous que vous luttez contre l'injustice, pas contre la violence. L'injustice, c'est quand des gens font du mal à d'autres gens, la justice, c'est « œil pour œil, dent pour dent ». Jouez donc votre rôle de vaillantE justicierÈRE en excluant celleux qui excluent, en silenciant celleux qui silencient, en frappant celleux qui frappent, en insultant celleux qui insultent, en tuant celleux qui tuent, et ce, pour un monde meilleur, pour un monde plus juste.
- Faire des erreurs, c'est trop la honte. Ne pardonnez donc jamais ni vos erreurs, ni celles des autres. Car c'est seulement en reprenant les autres lors de chacune de leurs erreurs, que vous pourrez être parfaitE dans votre militantisme.
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Voilà, grâce à cette liste de modestes conseils, j'espère que vous arriverez à rendre votre militantisme le plus efficace possible, tout en réfléchissant le moins possible.
Moi, j'y vois ça, en fait :
- contrôle du langage
- contrôle de l'information, censure
- propagande
- incitations à la haine et au rejet systémique d'un ou plusieurs groupes d'individuEs
- surveillance mutuelle et délation encouragée
- mouvements de groupe et lynchages arbitraires encouragés
- idéalisation des leaders, diabolisation des ennemiEs
- pensée unique, notions universelles de bien et de mal, de bonNEs et de mauvaisEs actions
- sujets tabous dont il est interdit de parler, ou sur lesquels il est mal vu, voir interdit, de se renseigner
En fait, création d'un climat de peur afin que les gens se soumettent à l'autorité, que la menace d'être excluE ou puniE les décourage de s'exprimer (ou même d'exister), et que l'urgence les fasse paniquer et les empêche de réfléchir, se réunir ou se rebeller.
Un climat de peur, qui les encourage donc à se conformer à une norme, souvent inatteignable puisque définie par des injonctions contradictoires. Ce climat de peur créant chez touTEs, mais en particulier chez les individuEs que ce système définit comme "hors norme" ou "déviantE", une perte de confiance en soi.
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Moi, ça me fait un peu penser à un truc basé sur la domination, un peu genre autoritaire et pas cool, en fait.
Mais vous ne pourrez jamais être comme ça, c'est pas possible, voyons, rassurez-vous : vos opinions sont minoritaires.
Et puis, les dominations systémique, ça n'a rien à voir avec les vrais gens, c'est que de la politique. Il n'y a qu'à réfléchir à « qui c'est qui domine ». Pas besoin de se demander « et au fait, c'est quoi, dominer ?... »
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[EDIT 21/12/15: Je n'ai pas réussi à trouver une conclusion à cet article qui soit satisfaisante. A la place, je me suis retrouvée en face de mes propres contradictions. Je laisse ce que j'avais écrit en ligne - après les liens - mais voilà, bof, je suis pas très convaincue par moi-même.]
[Edit du 3/01/16: J'ai trouvé cet article de Swedish Sins qui, je pense, explique pas mal et de manière beaucoup plus claire que moi ce que je voulais dire dans mon texte, sans parvenir à l'exprimer. Je cite:
Il est un outil que je brûle de partager avec vous. Il s'agit des "Techniques de répression du maître" ou "techniques de domination".
(...)
Les techniques de répression du maître, élaborées par la féministe norvégienne Berit Ås, constituent un outil utile permettant de reconnaître et définir les techniques de domination à l'oeuvre dans la vie quotidienne.
(...)
Définir les techniques de répression du maître consiste à les rendre visibles et donc à neutraliser leurs effets. Deuxio j'ai tendance à penser que quand on connaît ces techniques, et qu'on a un minimum de désir de justice sociale on essaye de ne plus les utiliser. Depuis que je les connais je ne parle plus aux gens de la même façon. Si plus de personnes, notamment plus de militantEs étaient conscientEs de celles-ci, les oppressions seraient réduites dans les milieux militants, ce qui serait déjà pas mal et aurait une grande influence sur la teneur de nos actions et la direction que prennent nos combats.
mais lisez-le en entier, ça vaut vraiment le coup]
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Sur ce blog :
- "Moi, ça va" : Le monde est injuste et les autres sont partout
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Pour aller plus loin :
- Mais alors c'est quoi militer ? (Crêpe Georgette)
- Militer c'est chiant (Les Questions Composent)
- Le Roi Lion (1994), ou l’histoire de la vie expliquée aux enfants (Le Cinéma est Politique)
- Non, les hommes n'ont pas toujours fait la guerre (Le Monde)
- Social Justice Warriors, notre violence n'est pas virtuelle (Les Questions Composent)
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[Je laisse quand même mes précendent chemins de réflexion ici, vu que les commentaires s'y rapportent]
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Comment bien militer ? On n'aime pas trop y penser, et pourtant, toutE le monde a son mot à redire. "Trop radical". "Pas assez engagé". "Incohérent". "Extrême". "Hypocrite". Il faudrait tenter d'être parfaitE, ne jamais se tromper, ne jamais "nuire à sa cause". Que ce soit face à nos ennemiEs ou face à nos amiEs, nous n'osons pas faire part de nos insécurités, de peur d'être jugéEs.
A force d'injonctions contradictoire sur le "bien militer", à force d'entendre nos oppresseurSEs, mais aussi, bien souvent, nos alliéEs nous dire que nous nous battons mal, ou trop, ou pas assez, nous n'osons plus penser par nous-mêmes, et encore moins nous exprimer. Nous avons peur de nos oppresseurSEs, mais également du rejet de nos alliéEs.
Les rapports de domination, quoi qu'on fasse, on y participe touTEs un peu. Et les effets de l'oppression sur une personne qui en est victime, c'est la perte de confiance en soi. Perte de confiance en sa légitimité pour parler, ressentir, exprimer ses besoins, savoir ce qui est le mieux pour ellui, ce qui lui fait du bien.
Et lorsqu'à travers notre militantisme, notre peur de faire des erreurs, notre volonté d'être parfaitE, de tout bien faire comme il faut, de rien laisser passer, nous enlevons aux autres leur confiance en elleux...
Ben la poule, l’œuf, tout ça.
Sans confiance en soi, on se sent incapable de réfléchir, sans aucun esprit critique. Alors on préfère laisser à d'autres le soin de nous dire quoi penser et comment agir.
On n'ose plus avoir confiance en nos propres émotions, alors on préfère que quelqu'unE nous explique si ce que nous ressentons est "normal" ou "justifié".
On se sent tellement illégitime, tellement peu importantE, qu'on pense devoir se justifier en permanence auprès des autres de notre droit à la parole, de notre droit à la vie.
On se sent tellement impuissantE face à l'injustice, qu'on éprouve le besoin de se prouver à nous-même que nous sommes utiles à notre cause. Une preuve qu'on est "Quelqu'UnE de Bien", qu'on ne pense pouvoir obtenir qu'à travers le regard des autres.
On se sent vulnérable, sans aucune confiance en notre capacité à nous défendre. Alors on voudrait qu'on nous rassure, qu'on nous dise de qui se méfier. Qu'on nous prenne par la main et qu'on nous sauve, parce que nous nous jugeons nous-même incapable de décider de ce qui est bon pour nous.
Les oppressions, elles font bien leur boulot.
Nous pensons nous libérer en prêtant allégeance à d'autres chefFEs, en portant d'autres chaînes, en changeant d'ennemiEs à combattre. En prenant part à d'autres hiérarchies.
Nous ne nous révoltons qu'à moitié.
La libération des oppressions systémiques ne se fera pas sans une libération de nous-mêmes... Et qu'y a-t-il de plus subversif, de plus révolutionnaire, que de se penser capable d'agir, d'oser faire des erreurs et de croire en soi-même?
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[Edit du 14/12/15: J'ai mis pas mal de temps à trouver une fin à cet article, à trouver le message que je voulais faire passer.
Du coup, avant, j'avais écrit ça (le texte ci-dessous), mais des discussions et commentaires m'ont fait réaliser que ces histoires d'argent et de bonheur n'ont pas grand chose à faire dans cet article, ce serait probablement le sujet d'un autre texte]
Ancienne fin d'article : On se sent tellement indigne d'être heureuxSES, parfois, qu'on a besoin de crier haut et fort que nous n'avons volé ce bonheur à personne.
Au nom de la justice, nous rendons le bonheur suspect, coupable, voire criminel. Le bonheur, c'est comme l'argent : quand on en a beaucoup, soit c'est justifié, et alors à côté de cette personne, vous n'êtes qu'unE ratéE, qu'unE loserUSE. Soit c'est injustifié et il faut aller, tel Robin des Bois, voler leur bonheur à celleux qui en ont trop, pour le distribuer à celleux qui n'en n'ont pas assez.
L'argent ne fait pas le bonheur, on nous l'a bien assez répété, mais on n'a jamais vraiment voulu y croire. On se dit que l'argent fait quand même le bonheur, en partie. Mais en partie, seulement. C'est peut-être ça, qui nous fait perdre confiance, cette question : « mais si le bonheur, c'est pas que l'argent, alors, le bonheur, c'est quoi ? Mon bonheur, mon bien-être, c'est quoi ? »
Parce que c'est quoi qu'on vise, dans cette libération des oppression systémiques, si ce n'est une libération de nous-mêmes ?